Seignelay, son histoire

Seignelay, son histoire

Ligne du Tacot, chemin de fer de Laroche à L'Isle S/r Serein (historique, tracé, parcellaire, bornage, recollement), traversée de Seignelay

Le Chemin de Fer d'intérêt local de la Vallée du Serein

 

A Seignelay, chacun peut ressentir une certaine nostalgie de l'épopée du chemin de fer, de ces "tacots pittoresques" traversant avec leur gros panache de fumée, notre douce campagne, d'un pas de sous-préfet. Avec quel chauvinisme, voire avec une pointe de fierté, les Seignelois de la fin du siècle dernier ont à la fois, ressenti et défendu le passage du train dans leur commune.

Pour leur mémoire, nous n'aurons que la modeste prétention de retracer les grandes lignes de la traversée sur le territoire communal et d'évoquer cette révolution dans les transports, et pour vous, de faire renaître des émotions d'un proche passé.

Ouverte au trafic le 15 octobre 1887, la ligne à voie unique, d'une longueur totale de 74 km 992m avait son origine à la gare d'eau de Laroche Migennes pour atteindre son terminus à la gare de l'Isle sur Serein. Seignelay était traversé sur une longueur de ligne de 3 km 818m, limité à l'Ouest par Beaumont, à l'Est par Héry.

Le tracé de la ligne, fixé par la C.F.D. (Compagnie des Chemins de Fer Départementaux) nécessita, pour cause d'utilité publique, l'expropriation des terrains situés sur le parcours. Les plans, cadastral et de bornage, relèvent 221 parcelles concernées par cette mesure. La surface de terrain à exproprier fut de 1 hectare 95 ares par kilomètre de ligne. Ce morcellement des terres est très représentatif des exploitations agricoles de cette époque. En effet, nous relevons par ailleurs, la présence de 542 exploitations de moins d'un hectare sur la commune de Seignelay en 1880, sur 1346 hectares de terres cultivables et boisées, et pour une population de 1297 habitants en cette même année.

65% des parcelles concernées par l'expropriation appartenaient à des habitants de Seignelay, 12% à ceux de Beaumont, 10% pour Héry, le reste partagé entre des propriétaires d'origine voisine et d'héritiers demeurant hors du département. Le prix, acte en main, du kilomètre de ligne fut fixé à 13650 francs de l'époque, pour le terrain. La voie était constituée de rails en fer de 18kg au mètre linéaire, en barre de 8 mètres, fixé par tirefonds sur des traverses en chêne traité. Le prix du fer était alors de 350 francs la tonne. La construction de la ligne nécessita de grands travaux et la réalisation de nombreux ouvrages pour le maintien des communications (les chemins) et de l'écoulement des eaux (fossés). D'autres chemins d'exploitation furent créés et tous comportaient un passage à niveau. Seul, celui à grande circulation n° 84, l'actuelle avenue Colbert, eut un passage à niveau gardé et muni d'une barrière roulante.

Au point kilométrique 10,171 fut créée la station de Seignelay, qui devint la gare. D'une surface de trente ares environ, elle comprenait un bâtiment dit des voyageurs, sis à droite en retrait de la route n°84, allant d'Auxerre à Brienon, d'un quai de déchargement pour les marchandises, d'une voie d'évitement pour les croisements, prolongée d'un côté d'une impasse. Le bâtiment des voyageurs, construit sur un schéma type pour toute la ligne, existe encore transformé en habitation particulière. En règle générale, les croisements des trains se faisaient par circulation à gauche, mais par suite d'une collision survenue le 02 septembre 1899 à Seignelay, l'arrivée des trains en gare, eut lieu sur la voie de droite, permettant ainsi le déchargement des wagons stationnés sur l'autre voie, dite d'évitement.

Chaque jour, la ligne assurait le service des voyageurs par 3 allers et retours sur la totalité du parcours, et d'un supplémentaire sur la portion de ligne Laroche Chablis. Nous devons aussi prendre en considération, les deux trains de marchandises dont les tonnages importants transportés assuraient pour une grande part la rentabilité de l'exploitation de cette ligne secondaire.

Suivant la force motrice usitée, les trains mettaient plus de 3 heures pour le parcours avec les locomotives à vapeur, temps réduit à deux heures, dans les dernières années d'exploitation par l'emploi de locotracteurs et d'automotrices diesels. Nous avons relevé quelques horaires des trains en partance de Seignelay, à destination de Chablis : 6h17 – 11h06 – 15h05 – 20h14 et pour Laroche à 7h10 – 9h33 – 13h34 – 16h20 pour les voyageurs, augmentés du trafic de marchandises, soit une douzaine de trains par jour, passant en gare.

Les voyageurs étaient transportés dans des wagons appelés voitures mixtes, de 1ère, 2ème et de 3ème classe, à compartiment séparés et portières latérales, d'un confort relatif en fonction de la catégorie. Les fourgons étaient dotés d'un compartiment pour la poste. Ne pouvant établir avec certitude le coefficient de fréquentation de la ligne par les Seignelois, nous nous sommes rapprochés des éléments statistiques des lignes voisines, lesquels estimaient de 5 à 7 le nombre de déplacements en chemin de fer par an et par habitant. Par contre, sur l'ensemble de la ligne et pour l'année 1910, 156000 voyageurs furent transportés, toutes classes confondues, contre 60000 en 1932, chute explicable par la concurrence des services réguliers d'autobus, puis nous constatons une légère remontée en 1951, 85000 voyageurs par suite des pénuries de carburant et de pneumatique de l'après guerre.

Le transport des marchandises par train était considérable pour l'époque en ce début du siècle, soit un tonnage de près de 58000 tonnes de produits et de matières premières sur l'ensemble de la ligne. Au départ de Seignelay, était chargée pour diverses destinations la production agricole de la commune et des hameaux environnants ; nous citerons pour en rappeler le souvenir les plus importantes : céréales, pommes de terre, colza, les produits des cultures maraîchères (15 hectares en 1910), des spécialités tels que les asperges et les cornichons (Amora possédait un terrain attenant à la gare pour stocker ses fûts avant chargement sur wagons plate formes, et que l'on put voir jusqu'en 1947), les futailles de vin rouge produit par Seignelay et apprécié dans la Capitale, les fruits des plantations et vergers, noix, châtaignes, oseraies, pommes et poires à couteau, cassis et prunes. Sans oublier les forêts qui fournissaient une grande quantité de bois, 470 hectares sur la commune produisant près de 1900 stères par an, destinés aux charpentes, la menuiserie, le charronnage, pour les traverses de chemin de fer, bois de chauffage, des écorces, du merrain pour les douves de tonneaux, des échalas ; Seignelay, pouvait s'enorgueillir d'un grand nombre d'usines : moulins, scieries, tuileries et briqueteries, distillerie, des filatures et manufactures textiles. En particulier, c'était le centre d'un important commerce de laines, ayant succédé à celui des draps créé sous Colbert, et chaque année 150 à 200 tonnes de laine, transitaient par la commune pour être réexpédiées notamment sur Troyes et Reims.

Florissait en début du siècle un grand nombre d'entreprises de construction dont les besoins importants en plâtre, 120 tonnes en 1900, contribuaient pour une bonne part à l'activité de la ligne. Nous n'omettrons pas les Ets Maduraud, pour ses fosses septiques, qui possédaient en gare, un quai de chargement particulier ; 350 tonnes de fonte étaient déchargées en gare, avant transformation à la fabrique d'essieux du Haras. De plus, un commerce non moins important de bestiaux, vaches grasses et laitières (140 têtes en 1892) dont une grande partie était transportée et vendue dans l'Aube.

Hélas, après de nombreuses péripéties et malgré l'adaptation de nouveaux matériels d'exploitation et de gros efforts de modernisation, le Conseil Général après examen des résultats par trop déficitaires, décida le 25 avril 1939 du déclassement pur et simple de la ligne. Application suspendue par la déclaration de la guerre, suivie d'une exploitation provisoire, et le Département prononça le verdict fatidique en fixant l'ultime voyage au 31 décembre 1951.

Ainsi le tacot disparut. Délaissé par une population très attirée par le développement de l'automobile. "On déposa les voies et les herbes folles eurent le champ libre". "Aujourd'hui, seule reste la petite gare désaffectée, témoin de jours oubliés, elle est dans le paysage, le guetteur silencieux d'un monde qui ne reviendra plus". (citations de M. Sautet).

 

                                                                                    Vincent PAUCHET, 03 juin 1989

Tracé de la ligne, avant projet

Enquête parcellaire

Expropriations

Procès verbal de bornage (extrait)

Extrait PV de récolement

 

 

 

 

 

 



07/01/2011
0 Poster un commentaire