Seignelay, son histoire

Seignelay, son histoire

Seignelay, notes sur la maison des quatre-chemins (extraits), léproserie - maladerie

Notes sur la maison des Quatre-Chemins à Seignelay 

 

            La tradition de la famille B..., ne faisant d'ailleurs que reprendre la tradition des habitants de Seignelay, veut que la maison des Quatre-Chemins soit bâtie sur l'emplacement de l'ancienne maladrerie, où se trouvaient jadis relégués les lépreux des environs. Une autre forme de la tradition seigneloise désigne la petite maison à quelque cent mètres au-delà de la ligne du chemin de fer départemental comme marquant les lieux de la vieille léproserie. On ajoute même cette histoire terrifiante, qu'un homme s'étant blessé en y remuant la terre, avait contracté la maladie.

 

            Il est exacte qu'aux environs des Quatre-Chemins il y eut jadis un hôpital pour les contaminés. Mais pour se faire une idée précise sur son emplacement, et vérifier si celui-ci se confond réellement avec la maison B..., il faut consulter les vieux documents, et l'historien de Seignelay, l'abbé Henry.

 

            Ce dernier suppose que la maladrerie ou léproserie fut fondée par Guillaume de Seignelay, né vers 1164, neveu d'un seigneur de Seignelay, et évêque d'Auxerre puis de Paris, ainsi que par son frère Manassès de Seignelay, évêque d'Orléans.

 

            Mais l'historien Leboeuf, auquel Henry se réfère, ne dit rien d'une telle fondation dans le chapitre qu'il consacre à Guillaume de Seignelay, VIIIème évêque d'Auxerre. Tout ce que l'on peut affirmer, c'est que la maladrerie existait déjà en 1203, année où Deimbert II, seigneur du château de Seignelay, échange avec l'abbaye de Saint-Marien, à Auxerre, des terres situées près du pont de Beaumont contre d'autres à proximité des moulins neufs, et cela avec le consentement des lépreux de Seignelay qui y avaient un droit de dîme.

 

En 1238, une longue charte, réglant des points litigieux concernant l'abbaye de Pontigny, et que l'abbé Henry a consulté, mentionne la maison des lépreux de Seignelay - qui est alors appelé "Selliniacum" - comme limite de propriété.

 

Néanmoins on ne perdait pas le souvenir de la fondation primitive. Le 12 décembre 1740, un notaire auxerrois rédige le procès-verbal de prise de possession par Jean Baptiste Potherat, curé de Chemilly, de "la chapelle de Saint Jean l'Evangéliste fondée et située dans la léproserie de Seignelay", à trois lieues d'Auxerre. Et le successeur, François Lemor, chapelain de la chapelle Sainte Croix du château de Seignelay, prend possession le 22 février 1781 "de la chapelle ou chapellenie de Saint Jean l'Evangéliste, fondée et située en la léproserie de Seignelay … à environ un quart de lieue de distance dudit Seignelay au midy dudit lieu …".

 

Nous voici un peu loin de la léproserie, plus loin encore de la maison des Quatre-Chemins. Pas tellement loin, pourtant. En effet, des Seignelois nés à Seignelay se souviennent encore d'avoir joué dans ce qui restait des fondations de la chapelle Saint Jean, il y a quelque soixante ou soixante dix ans de cela. L'emplacement de la chapelle est donc connu avec exactitude : c'était tout près de la maison qui se trouve à cent mètres environ de la ligne de chemin de fer - cette même maison où la tradition locale place la léproserie.

 

Et l'abbé Henry, dont le premier volume de mémoires sur Seignelay fut édité en 1833, ajoute : "On vient de trouver en cet endroit des fondations en pierre de taille, qui devaient être celles de la léproserie".Mais il n'est pas possible de savoir si ces fondations, dont l'existence est attestée deux fois au XIXe siècle, furent celles de la maladrerie ou celles de la chapelle. Et l'abbé Henry ne donne pas les références de son affirmation quant à l'emplacement de la ladrerie du XIIIe ; il nous faut nous contenter de ce que disent les documents cités plus haut : elle était à proximité de la chapelle Saint Jean.

 

Or d'une part le souvenir s'est conservé jusqu'à ce jour de la maison actuelle bâtie sur des murs d'existence antérieure. C'est donc que cette construction que nous voyons encore au carrefour des Quatre-Chemins n'est pas tellement ancienne. D'autre part, les charpentes sont anciennes et le propriétaire actuel les compare volontiers aux charpentes de la halle de Seignelay, fort ancienne et classée comme monument historique.

 

Si l'on se souvient que le château de Seignelay, restauré par Colbert à la fin du XVIIe siècle, fut démoli et ses matériaux vendus au détail; que nombre de maisons à Seignelay furent bâties ou réparées avec ces débris ; que cela se passa vers 1800 - une hypothèse prend forme et se justifie : il est bien probable que G. R. s'est rendu acquéreur du terrain des Quatre-Chemins, dans des conditions que nous ignorons malheureusement ; que sur les vestiges de fondations qui pouvaient fort bien remonter à une dépendance de la léproserie du moyen âge il construisit sa maison avec - au moins en partie - des matériaux provenant du château de Seignelay ; que donc il aurait été le premier habitant de l'actuelle maison des Quatre-Chemins.

 

En résumé, il est assez vraisemblable qu'il y eut aux Quatre-Chemins une dépendance de l'ancienne léproserie de Seignelay, dès le début au moins du XIIIe siècle. Rattachée à la chapelle de Saint Jean l'Evangéliste, elle en fut séparée à un moment et dans des conditions inconnues. Il y a cent cinquante ans environ, G. R. l'acquit - ou du moins ce qui en restait - et y construisit sans doute la maison actuelle. Elle passa aux B., il y a un peu moins d'un siècle, lesquels y ajoutèrent une grange et une écurie. C'est ainsi qu'elle se présente encore maintenant.

 

(Extrait de : LA FAMILLE B..., A SEIGNELAY, ET LA MAISON DES QUATRE-CHEMINS, 1946)

 

 

 

 

 



27/03/2010
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